Lancement du Collège des maîtrises d’usage à Marseille

Présentation

Suite à la profonde crise urbaine révélée par l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne & les arrêtés de périls sur plusieurs centaines d’immeuble provoquant le délogement de milliers d’habitant-es, une nouvelle étape est en cours avec la planification d’opérations d’urbanisme visant à réhabiliter en profondeur des immeubles de plusieurs ilôts urbains à Marseille.

Ces opérations sont planifiées par une démarche intitulée «  projet partenarial d’aménagement » (PPA) qui est un contrat associant la ville de Marseille, la Métropole, l’Etat et des sociétés d’aménagement. Grâce aux mobilisations, les mouvements d’habitants et les associations ont réussi à s’imposer au sein du comité de pilotage de la démarche sous la forme d’un collège des maîtrises d’usage.

Le lancement du collège des maitrises d’usage a eu lieu sous la forme d’un atelier populaire d’urbanisme (APU) qui s’est déroulé le 6 Juin 2022 dans la grande salle du CCO Velten à Belzunce rassemblant des habitant-es, étudiants et associations de différents quartiers concernés par les futurs aménagements. La composition du groupe était diversifié avec des habitants du parc social ou du parc privé dégradé (notamment de la cité Pottier à la Belle de Mai, Felix Piat et des habitants concernés par les delogements), des habitants propriétaires d’un logement au centre ville et des étudiants, enseignants chercheurs et quelques professionnels de l’urbanisme.

Les objectifs de la réunion étaient :

  • Réunir le collège des maitrises d’usage et informer sur le le PPA pour soutenir l’organisation collective des habitants
  • Réaliser un diagnostic partagé sur les ilots expérimentateurs au niveau du logement, de la végétalisation, des équipements, de l’espace public et des mobilités
  • Envisager collectivement les prochaines étapes

Déroulement de la rencontre

La rencontre a débuté par un mot d’introduction d’Hélène suivie d’une présentation d’un schéma du Plan Partenarial d’Aménagement (PPA) et du collège des maitrises d’usage par Stéphane et Carole.

Un premier tour de discussion s’est ouvert pour des demandes de clarification sur le rôle d’un atelier populaire d’urbanisme (démarche de co-construction, démarche au long cours…), des questionnements sur la démarche (d’où vient la commande ?) et diverses interventions portant pêle mêle sur l’Assistance à Maitrise d’Ouvrage à Noailles, la fabrique des taudis, le projet Euromed, les projets de démolitions à Eugène Pottier, la mixité sociale, le phénomène de spéculation foncière et immobilière, les délogements de population, les «squats » de migrants (…).

Pour cette première partie, les représentant de la ville, de l’Etat ou des bailleurs sociaux n’avaient pas été conviés. Il a d’ailleurs été rappelé que le collège des maitrises d’usage est avant tout une instance citoyenne qui vise à créer collectivement les conditions pour une participation des habitants aux projets d’aménagements et de réhabilitations des immeubles. Si cet espace peut permettre de créer les conditions d’un dialogue avec les institutions, c’est avant tout un lieu de construction d’une parole autonome des habitants et associations.

Pour la seconde partie de la rencontre, trois groupes se sont formés autour des maquettes d’un ilot à Noailles et deux ilots à la Belle de Mai. Chaque groupe avait pour objectif de réaliser un diagnostic partagé sur le logement insalubre, la végétalisation, les équipements, les espaces publics et la mobilité. Les participants pouvait utiliser des petits drapeaux de couleur pour localiser des immeubles insalubres, la présence ou l’absence d’espaces verts, d’équipements etc…Les habitants se sont appuyés sur leurs usages des lieux : connaissances de la localisation des logements insalures, rues végétalisées par les habitants, les espaces vacants où il serait possible d’installer des équipements, etc…

Une restitution a eu lieu permettant de faire ressortir des points précis sur chacun des ilôts. Ces restitutions ont été ponctuées par des interventions des membres d’Un Centre Ville pour Tous et de l’APU de Grenoble pour apporter des connaissances sur opérations d’urbanisme. A noter également la présence de deux professionnels de la ville de Marseille.

Plusieurs points importants sont ressorties de la restitution :

  • le besoin urgent d’équipements, d’espaces végétaliéss, d’espaces publics et de solutions de mobilité dans les quartiers concernés.
  • Défendre une réhabilitation des ilôts avec les habitant-es concernées par les opérations de démolitions et de délogement pour éviter qu’ils soient chassés de leurs quartiers.
  • Ouvrir le champ des possibles pour imaginer la ville voulue par les habitants notamment dans les espaces vacants et les immeubles vides.
  • Trouver un équilibre du fonctionnement du collège du matirise d’usage entre le soutien aux urgences (relogement, logement insalubre..), les mobilisations (contre les démolitions à Eugène Pottier, démolition de la Tour B de Felix Piat, Noailles…) et la construction d’une vision partagée de la ville qui s’inscrit dans le temps long.
  • Rappeler la différence entre le périmètre fixé par le PPA et celui du collège de maitrise d’usage qui est plus large (cf échanges autour de Felix Piat, lien entre le PPA et l’ANRU etc…).
  • S’appuyer sur les études existantes, les travaux d’étudiants, les diagnostics pour partager des connaissances existantes et co-construire à partir des usages des habitants.

En conclusion, il a été décidé d’organiser à l’automne 2022 des ateliers populaires d’urbanisme (APU) dans chaque ilôt concernés par les opérations d’urbanisme pour permettre à un maximum d’habitants de pouvoir donner son avis et formuler des propositions sur la réhabilitation des immeubles et des quartiers.

Le dernier combat d’André Béranger à la Villeneuve

Cette lettre est un hommage à André Béranger, un pionnier de l’Arlequin, instituteur et militant de la Villeneuve de Grenoble qui a défendu les droits humains tout au long de sa vie, en particulier le droit à l’éducation, le droit au logement et le droit à la ville.

Photo le Crieur de la Villeneuve

Photo : Le Crieur de la Villeneuve

Arrivé à l’Arlequin en 1975, André Béranger était un instituteur de l’ambitieux projet pédagogique de la Villeneuve qui visait à créer des écoles ouvertes, décloisonnées, anti-autoritaires et émancipatrices. Il incarnait cette révolution de l’école après mai 68 . Face à la normalisation imposée par l’inspection académique, il a toujours défendu les principes énoncés dans la charte du projet éducatif de Villeneuve : pour la co-éducation, l’ouverture et l’autogestion. Rebelle et humaniste, tribun infatigable, il a cherché à concrétiser le rêve municipaliste de Jean Jaurès  : «que  les communes aient le droit d’instituer des expériences éducatives ou des programmes nouveaux pour essayer de nouvelles méthodes ou des doctrines plus hardies ».

André Béranger exprimait souvent son indignation face aux injustices. Il a mené d’innombrables combats en soutenant sans relâche ses anciens élèves, leurs familles, ses voisins, les enfants du Réseau Education Sans Frontière (RESF) et plus largement tous les mal-logés ou sans logement. André Béranger était un homme du peuple. Il aimait être au milieu des siens lors des rassemblements, des spectacles, des carnavals, des fêtes de quartier. Ces temps forts de la culture populaire étaient l’expression de l’égalité, du sens du voisinage et de l’amitié entre les habitants. Au côté de sa femme Ariane, André Béranger a participé à la création de l’association du 30/40 Arlequin pour l’amélioration du cadre de vie. Il défendait l’importance d’une pratique politique ancrée dans la vie quotidienne favorisant l’organisation et la solidarité entre voisins.

André Béranger est resté fidèle au projet politique de la Villeneuve. Le regard tourné vers l’avenir, il considérait la Villeneuve comme un bien commun à défendre et à transmettre aux prochaines générations en préservant le logement populaire. Il a co-fondé l’association Villeneuve Debout au lendemain de l’été 2010, puis le collectif contre les démolitions et soutenu la mise en place de l’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU). Il était membre de plusieurs initiatives dont le Crieur et Planning où il militait pour la prise en compte des enjeux éducatifs dans une approche globale de l’urbanisme. On se souvient de son interpellation de la ministre Cécile Duflot en 2012 avec la banderole « ce qui se fait pour les habitants, sans eux, se fait le plus souvent contre eux ». Il a contribué aux propositions pour le rapport de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache « pour une réforme radicale de la politique de la Ville. Ca ne se fera plus sans nous ». Il était un pilier de la Table de Quartier de la Villeneuve pour favoriser l’expression des habitants et l’initiative citoyenne.

André Béranger défendait les logements sociaux de l’Arlequin. Indigné par le projet de démolition du 50 puis du 20 Galerie de l’Arlequin, André Béranger défendait le droit des habitants à décider l’avenir de leur immeuble. Sa détermination a permis de mener une lutte exemplaire pour la défense du logement sociaux avec les Résidents Arlequin, le DAL et l’APU. Quelle énergie déployée pour organiser les pétitions, les manifestations, les réunions publiques jusqu’à l’inédit référendum d’initiative citoyenne RIC Arlequin ! André Béranger était attentif à que ceux qui ne sont jamais entendu-e-s puissent s’exprimer. Il oeuvrait pour la démocratie avec une méthode expérimentée dans les cafés éducs : organiser les assemblées d’habitants en groupes de quatre ou cinq personnes pour que la parole de chacun soit entendue. C’était la condition pour qu’émergent des idées d’actions qui soient décider collectivement pour transformer la réalité. Alors que l’on expérimentait des méthodes d’organisation des habitants pour favoriser un urbanisme participatif, il nous a transmis plus qu’une méthode, un véritable courant de pensée en acte : une « Ecole de la Villeneuve ».

Avec pudeur mais sans tabou, André Béranger a mené son dernier combat contre la maladie avec dignité. Malgré les difficultés, il tenait à être présent, actif, informé et engagé. André Béranger demeurera indéniablement une figure majeure de la Villeneuve comme en témoigne l’hommage qui lui a été rendu en plein confinement. La veille de sa mort, des dizaines d’habitants se sont réunis en entonnant des chansons engagés au rythme des percussions, scandant son prénom en apercevant sa silhouette à la fenêtre de son immeuble de la Galerie de l’Arlequin. Le lendemain, nous avons reçu ton message « je tire ma révérence » qui nous annonçait ton geste ultime et courageux.

Merci André, nous poursuivrons tes chers combats. Nous exprimons nos condoléances à sa famille : sa femme Ariane, ses enfants Marion, Florence et Sylvain, tous ses petits-enfants, ses voisin-es et ses ami-e-s.

L’Atelier Populaire d’Urbanisme (APU)

Association Next Planning, 97 Galerie de l’Arlequin 38100 Grenoble

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