Fidèle à sa longue tradition municipaliste, Grenoble était pendant trois jours l’épicentre d’un vaste réseau réunissant des élus municipaux, activistes, techniciens, experts et chercheurs visant à renforcer la démocratie locale.
Du 7 au 10 décembre 2022, plusieurs centaines de personnes ont participé à des conférences, débats et ateliers des 21ème rencontre de l’observatoire international de la démocratie participative (OIDP) venant conclure en beauté une année particulièrement riche d’évènements organisés dans le cadre de « Grenoble Capitale Verte 2022 ». Devant la profusion d’activités organisés avec l’OIDP, il n’est pas facile de donner une image d’ensemble, mais nous allons partager ici quelques aperçus de cette constellation qui œuvre pour la démocratie avec une perspective municipaliste.
Le ton a été donnée par la soirée d’ouverture organisée à la Maison de la Culture de Grenoble. Au delà des discours protocolaires, l’intervention du secrétaire générale a posé clairement les enjeux démocratiques de l’autonomie des autorités locales dans un contexte international marqué par des restrictions de libertés et la persistance des états autoritaires. Le débat animé par l’excellente chercheure Marion Carrel s’est ensuite interrogée sur l’articulation avec les mouvements sociaux et l’enjeu de la prise de décision. Le public a eu l’occasion exceptionnelle d’entendre les récits du Garçon Almedia de Porto Alegre, de la présidente de l’assemblée constituante du Chili et Magali et la députée au parlement de Bruxelles Capitale. La démocratie locale est debout pour défendre la démocratie.
La seconde journée a débuté par une conversation intitulée « des tranchées aux avenues de la démocratie participative » animé par Yves Cabannes avec Giovanni Allegretti, Garçon Almedia, Gilles Dumas (…). La réflexion portait sur le cercle vertueux de l’alliance entre mouvements sociaux et municipalités : les combats des organisations d’habitants finissent par transformer le contexte socio-politique des autorités locales qui à leur tour mènent des politiques publiques qui renforcent les alternatives. Il est toujours passionnant de découvrir ou réentendre des grandes figures de la démocratie locale présenter la multitude d’alternatives : coopérative d’habitants, organismes fonciers, monnaies locale… J’ai toutefois été surpris que ces récits ne soient pas articulés avec les principales stratégies des dix dernières années : l’intersectionalité, l’occupation des places, des centres culturels, et des pratiques de commoning du « nouveau » municipalisme. Surtout, le débat n’a pas réussi à dépasser la transmission du récit de la démocratie locale depuis Porto Alegre pour construire des stratégies pour le présent. Cette difficulté de dépasser la succession de présentation d’expérience était également présente lors du second débat sur le climat et la démocratie locale.
Avec plus de soixante ateliers, les échanges d’expériences ont rythmé la seconde journée. Dans ces ateliers, les collectivités locales viennent présenter des bonnes pratiques, des professionnels parlent de leurs méthodes, des chercheurs contribuent avec leurs analyses (…) mais le plus souvent les habitants sont absents ! Alors que les organisations d’habitants ne cessent de répéter « ce qui se fait pour nous, sans nous, se fait le plus souvent contre nous », c’est quand même un comble pour un sommet pour la démocratie participative ! Bien sur qu’il n’est pas facile de résoudre cette contradiction mais nous penssons que les organisateurs des rencontres de l’OIDP et les municipalités devraient faire plus d’effort pour soutenir la participation des organisations d’habitants pour corriger l’image trop institutionnelle des rencontres de l’OIDP.
Deux activités ont particulièrement marqué les XXIème rencontres de l’OIDP.
La rencontre intitulée « Le municipalisme féministe : quelles approches pour l’action locale ? » était organisée par Amanda Flety de la commission inclusion social et droits humains de CGLU. Les présentations des maires de Villa Alemana (Chili), Iztapalapa (Mexique) et d’une représetante du bureau des femmes de Jezireh (Syrie) ont témoigné de la profonde transformation de la démocratie locale et de l’amélioration des conditions de vie de leurs habitants à partir d’une perspective féministe. Cette rencontre a été égament été marquée par la présence de la co-présidente du département des autorités locales et de l’écologie de la région de Jezireh (Syrie) dans le cadre du réseau de solidarité internatinoal « JASMINES » (Jalon et actions de solidarité. Municipalisme et internationalisme avec le Nord-Est de la Syrie) impulsé par la Fondation Danielle Mitterand.
La rencontre « Démocraties sous surveillance : Résistance face aux rétrécissements démocratiques » animé par le chercheur français Julien Talpin s’interrogeait sur le rôle des villes et des collectifs citoyens dans la défense de la démocratie locale. Les interventions de Med Wajdi Aydi, maire de Sfax (Tunisie), Jules Dumas Nguebou (Cameroun), Savaş Zafer Şahin de l’assemblée citoyenne d’Ankara (Turquie) et d’Alexandrina Najmowicz de l’European Civic Forum et Adrien Roux pour l’observatoire des libertés associatives explorait dans quelle mesure les villes peuvent contrebalancer les politiques répressives au niveau national en Europe et dans des régimes autoritaires.
Cette rencontre était particulièrement pertinente au regard du contexte actuel de menace sur la démocratie. Alors que la prochaine conférence aura lieu en 2023 à Rio de Janeiro (Brésil), l’ensemble du réseau de défenseurs de la démocratie locale devraient se tourner sur les enjeux cruciaux des prochaines années en particulier à l’est de l’Europe et dans le Moyen-Orient pour soutenir les défenseurs des droits humains et soutenir les pouvoirs municipaux dans les pays de la région.